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Faut pas rêver...!
Le rêve dans la civilisation occidentale

Dr Jean-Michel Crabbé
Mis à jour le 20 décembre 2018

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Pendant 2000 ans, le rêve a été rejeté de la civilisation occidentale avant d'être repris en considération et étudié scientifiquement au XXe siècle.

 

 
Faut pas rêver

 

Résumé

Tout au long de ces pages vous allez trouver les différents aspects historiques du rêve, depuis les anciennes traditions jusqu'à la conception jungienne du rêve en passant par la neurobiologie du sommeil. Pendant presque deux millénaires, religion, politique, médecine et psychanalyse se sont liguées pour écarter le rêve de la conscience et de la culture occidentale. Cette répression, renforcée par l'inquisition catholique au moyen-âge, culmine à la fin du XXe siècle avec l'usage de psychotropes qui suppriment le rêve : l'esprit occidental est à 99 % dissocié de l'inconscient.

La découverte du sommeil paradoxal par le Pr Michel Jouvet, en 1958, donne au sommeil et au rêve une nouvelle importance . Scandale pour les médecins et les physiologistes imprégnés des préjugés du XIXe, le sommeil paradoxal et le rêve constituent une véritable fonction physiologique vitale. À quoi servent le rêve et le sommeil paradoxal ? Le Pr. Jouvet présente ce problème comme but des futures recherches sur le sommeil.

Mais pour notre civilisation occidentale, dominée par l'intellect, le rêve est un phénomène négligeable. À l'opposé, chez les peuples primitifs, la supériorité du rêve va de soi et l'intelligence est une fonction secondaire, presque inutile :

Il appartient à la nouvelle génération de retrouver un équilibre entre ces deux extrêmes, pour que le rêve guide l'intelligence et que l'intelligence s'applique au rêve.
  st Joseph

Importance historique du rêve

Image : le songe de Saint Joseph, G. de la Tour

Dans les sociétés primitives, le rêve joue un rôle important dans les traditions, les coutumes et même la vie quotidienne. Les êtres humains sont frappés par l'aspect étrange, merveilleux, prodigieux, ou encore terrifiant et prémonitoire de leurs rêves. Ainsi les peuples africains croient surtout que le rêve est prémonitoire. Ils offrent des sacrifices pour que les bons rêves se réalisent, ou pour que les mauvais ne se réalisent pas.

Dans les tribus amérindiennes, l'adolescent découvre en rêve son identité et son destin personnel, souvent à l'occasion de rites et d'épreuves initiatiques. Le rêve est un guide de l'individuation. Il joue un rôle essentiel et donne à chacun une place incontestée dans la collectivité. La vie du groupe est également dirigée par les rêves et la journée commence souvent avec le récit de ceux de la nuit qui s'achève. Ils aident la tribu pour la chasse, la médecine ou la guerre.

 

Les temples d'incubation

Les anciennes civilisations et la médecine antique (égyptienne, grecque et romaine) accordent au rêve une très grande attention. Il est à l'origine de nombreuses croyances et étroitement lié à la vie des cités. Toutes ces civilisations bâtissent des "temples d'incubation" où l'on vient pour dormir et faire interpréter ses rêves. On y cherche, non sans raison, l'explication et la guérison de certaines maladies (voir les pages "rêves et maladies").

Au IVe siècle, l'église catholique devient la religion officielle de l'Empire Romain et l'étude des rêves est interdite avec toutes les pratiques magiques païennes. Ce rejet provoque une fracture, une dissociation psychique collective et pour 1500 ans, la conscience occidentale est séparée de l'inconscient.

 

La Bible et les rêves

Dans la Bible les rêves et les songes ont pourtant une place très importante. Les "Somnia a deo missa" expriment la volonté divine, éclairent un destin individuel (le rêve de Jacob) ou annoncent un avenir plus ou moins éloigné (le songe prémonitoire de Nabuchodonosor et les visions de Daniel).

Le Livre de la Sagesse(Siracide) n'en met pas moins en garde contre les songes, "capables d'égarer les êtres humains, de donner des ailes aux sots et de punir les méchants"...

Le Talmud, (commentaires rabbiniques des textes bibliques), est très nuancé au sujet du rêve et insiste sur son ambivalence. Le rêve n'a de valeur que "selon l'interprétation qui en est donnée".

Pour le Judaïsme moderne (La Source de Vie, France 3), le rêve affranchit la conscience des limites de la vie éveillée. On dit qu'un homme qui ne rêve pas pendant 7 jours devient méchant. Le rêve donne accès à un espace infini, et met parfois en relation avec la divinité.

Dans le Nouveau Testament, la naissance du Christ est protégée par l'attitude de Joseph, modèle d'obéissance à une volonté divine directement exprimée dans ses rêves : ainsi guidé, il accepte Marie comme épouse (Mt 1. 20), puis sauve l'enfant de la colère d'Hérode en fuyant en Egypte avec sa famille (Mt 2. 13-15). Les trois rois mages découvrent eux aussi en rêve les intentions criminelles du roi Hérode (Mt 2.12), et ils quittent discrètement la Palestine...

 

Quête du Graal, rêves et mythologie celte

Les Romans Arthuriens apparaîssent dans la littérature au XIIe siècle. Ils semblent issus d'une tradition orale celtique transmise par les conteurs du pays de Galles, d'Irlande et de Bretagne. On y raconte les aventures extraordinaires d'une chevalerie moyenâgeuse, brutale et galante, confrontée à un univers magique et dangereux semblable à celui des rêves. Dans les premiers récits (1160-1180) de Chrétien de Troyes, les thèmes celtiques interfèrent avec des éléments chrétiens.

Le Graal est le but ultime de ces aventures surprenantes et symboliques. Ce "vase sacré" est capable de rendre au royaume sa prospérité perdue, et seul un chevalier courageux et sans reproches saura s'en emparer. Dans les religions celtiques, il existe un "Chaudron Magique" semblable au Graal et qui a des propriétés merveilleuses. Réchauffé par l'haleine de 9 jeunes femmes (comme les 9 muses de la mythologie gréco-romaine), il ne se vide jamais et produit une boisson source de Force et de Sagesse. C'est le chaudron de la transformation et du renouveau, repris avec raison dans Astérix.

Des rêves énigmatiques jalonnent certains épisodes. Ils guident les chevaliers dans leurs aventures solitaires, et révèlent le sens profond des épreuves qu'ils traversent. L'interprétation en est faite par Merlin, ou encore par des ermites, retirés au fond des forêts de la Petite et de la Grande Bretagne.

Le Roi-Pêcheur est malade : cet étrange personnage ne prend plus de poissons et son royaume dépérit. La pêche, représente symboliquement un enrichissement de la conscience par l'inconscient. Aussi cette image signifie que l'esprit du temps qui n'est plus vivifié par l'inconscient :

La société médiévale est malade, elle a perdu sa relation avec l'inconscient. Tous ces chevaliers héroïques sont vaincus et la Quête s'achève sur un échec. Merlin disparaît, non sans promettre de revenir un jour pour ouvrir à nouveau la Quête du Graal...
 

L'Église et la Quête du Graal

Allié à la royauté, l'église veut christianiser une société féodale séduite par l'amour courtois, la chevalerie et la puissance de cette mythologie celte, dont la richesse symbolique rivalise avec la tradition évangélique. Au lieu d'y voir une manifestation de l'âme des peuples gaulois ou celtiques, l'église les considère comme dangereux.

L'oeuvre de Richard de Boron (La Quête du Graal - 1220) associe ces légendes aux récits évangéliques pour mieux les combattre et les détruire. Les thèmes impressionnants des romans arthuriens sont dénaturés et réduits à une interprétation chrétienne, monastique, cistercienne.

Le Graal, symbole central de la mythologie celte, représente maintenant un plat utilisé par le Christ lors de son dernier repas avec les douzes apôtres, ou encore un récipient dans lequel Joseph d'Arimathée recueille le sang du Christ descendu de sa croix. Le Graal perd sa signification symbolique puissante et devient une relique rattachée au message évangélique.

La table ronde, à la cour du roi Arthur, devient une allégorie du dernier repas du Christ avec ses disciples.

Lancelot chevalier héroïque, tourmenté et profondément humain, était l'amoureux malheureux de la reine Guenièvre. Son fils Galaad, nouveau chevalier chrétien, est un jeune homme pieux et indemne de toute atteinte de l'amour humain. Dans cette nouvelle quête, la vie aventureuse, le courage, la loyauté et l'amour sont remplacés par la chasteté et l'ascèse d'une vie monastique. La virginité de Galaad lui permet de contempler le Graal, puis, tel Élie ou Hénoch, il est emporté loin de ce monde...

La chevalerie et la Quête ont été privés de tout leur sens. Galaad, nouveau chevalier, incarne un refus chrétien de la vie, de l'amour, de la sexualité et d'une existence terrestre pleinement assumée. Le Graal devient un accessoire inutile de l'Évangile. Le Roi Pêcheur, malade et privé de ses poissons, montre que les peuples nordiques, privés de relation avec l'inconscient, sont malades.

(NB : Le Graal est en relation avec le Christ sur le plan symbolique : tous deux sont des réceptacles de la Sagesse et d'une puissance divine. Le Graal est une représentation symbolique, le Christ est une réalisation humaine.)

 

L'Église, l'inquisition et le rêve

L'Église catholique, en guerre contre les infidèles, veut garder son unité et son pouvoir à tout prix : la lecture de la Bible est interdite, et en 1179, le concile de Latran condamne l'hérésie cathare, prélude à plus de 20 années de guerres fratricides contre les "purs".

L'Inquisition est créée en 1184, et les hérétiques sont coupables de haute trahison. Simultanéité étonnante, en Chine, le Taoïsme est interdit en 1183 (dynastie des Lioa et des Kin). En 1252, le pape Innocent IV autorise l'usage de la torture.

Le rêve est imprévisible et il donne à certaines personnes un appui, une certitude intérieure. Son étude, déjà interdite, est assimilée aux pratiques de sorcellerie et de magie. Mieux vaut oublier les rêves bibliques, l'exemple de Joseph et des traditions millénaires. Dans les ordres monastiques, les prières nocturnes et un lever très matinal privent les moines de leurs rêves. Leur contenu est considéré comme diabolique et l'interprétation en est interdite. Les individus soupçonnés d'avoir de telles activités sont recherchés, dénoncés et traités comme des hérétiques, privés de leurs biens, torturés et parfois brûlés.

Les autorités catholiques provoquent ainsi une double dissociation : d'une part, la conscience occidentale est privée de sa fondation naturelle, l'inconscient ; d'autre part, le renoncement à la vie terrestre et la mortification sont présentés comme les bases de la vie spirituelle : le sommeil et le rêve, la vie concrète, l'amour et la sexualité éloignent l'homme du bien, de Dieu et le livrent au mal, au démon. Cette conception soi-disant chrétienne de l'homme va dominer la vie quotidienne, intellectuelle et religieuse occidentale depuis le moyen-âge jusqu'au XXe siècle :

"Avant que s'achève le jour, Dieu créateur de l'univers,
Ensembles nous vous demandons que votre amour veille et nous garde.
Que loin de nous passent les songes et les fantasmes de la nuit.
Gardez nos corps de l'Ennemi, afin qu'ils ne soient pas souillés."
(Complies du dimanche - XXe siècle)

Au XVIe siècle, les Réformateurs tentent de restaurer l'autorité de la Bible dans l'Église, et les premiers Luthériens sont exécutés. Dans l'Eglise catholique, le principe d'une lecture des textes sacrés sera enfin rétabli par le Pape Pie XII à la fin de la seconde guerre mondiale, devant le spectacle effrayant de l'effondrement des valeurs occidentales. Quand au subconscient et au rêve, l'église moderne, réformée ou non, l'ignore toujours.

 

Jérôme Bosch et le Grylle

En prêchant le renoncement au monde, la mortification de la chair, le rejet de la sexualité, l'église conduit toute la société médiévale à une régression sociale dramatique :

Les toiles de Jérôme Bosch, à la fin du XVe siècle, apportent les preuves impressionnantes du délabrement de l'église et de la société médiévale. L'inquisition rend toute contestation impossible, mais ce peintre profondément chrétien met sous nos yeux le spectacle effrayant de la dissolution des moeurs et de la corruption du clergé. Ces images fantastiques issues du subconscient de l'artiste traduisent les désordres profonds de toute une époque : sous une religiosité apparente, la société médiévale perd toute moralité.

"La tentation de Saint Antoine" (J. Bosch - 1505) est un prétexte à la mise en scène d'êtres humains difformes, de monstres aériens et de créatures chimériques qui se livrent à la débauche et au blasphème :

Grylle

Un démon tonsuré parodie la messe, assisté par deux faux moines. Une "femme arbre" chevauche un énorme rat. Sur cet extrait, un moine tend une coupe de vin à une religieuse.

Le Grylle est un monstre humain privé de tronc dont les jambes portent une grosse tête coiffée d'un turban noir (image de droite). L'image d'une "tête à jambes" est fréquente chez Bosch, et on la retrouve chez Bruegel (ci-dessous, à gauche) :

"La résurgence de ce thème dans les dernières années du XVesiecle est tellement forte qu'il est permis de se demander si elle n'est pas en relation directe avec la renaissance. Très précoce dans les écoles du nord, la renaissance prend d'abord une forme monstrueuse (dans la peinture)..." (Le Moyen âge fantastique, J. Baltrusaïtis et R.L. Delavoy, BOSCH, 1990 Skira - Genève)

Le Grylle est la caricature d'un être humain dont le mental hypertrophié s'est substitué à toutes les autres fonctions vitales. La dévalorisation catholique de la vie concrète crée cet être monstrueux privé :

  • de bras, incapable de vivre de son propre travail,
  • de coeur, d'amour et d'élan vital,
  • de souffle, d'esprit,
  • de colonne vertébrale, donc de droiture et de moralité,
  • de ventre, càd de courage,
  • de bassin, donc de fécondité...
Grylle

Avec la bénédiction de l'Église, l'intellect domine la vie concrète et la matière. Au moyen âge, une nouvelle catégorie sociale fait son apparition,diamétralement opposée à la chevalerie, avec son idéal de courage, de loyauté et de soumission à la volonté de Dieu et à l'amour d'une princesse. Elle ignore le travail manuel, l'amour, le courage, la morale et la fécondité. Ces individus vivent du travail des autres comme certains intellectuels, financiers, technocrates, philosophes et politiciens. Le turban est le signe d'un rang social élevé...

Dans "Margot la Folle" (Bruegel - 1562) le Grylle représente de plus la gloutonnerie et un monde à l'envers, un renversement des valeurs. Ces images accompagnent la Renaissance, la domination de l'église catholique et de l'inquisition, l'abandon de l'idéal chevaleresque. Le siècle des lumières commence, le règne interminable et terrible de la toute puissante déesse raison.

 

Législation et interprétation des rêves

Sous le Premier Empire, les règles très sévères qui restreignent les libertés de pensée et d'expression sont maintenues. Le rêve semble capable de déranger un pouvoir totalitaire, et il reste considéré comme dangereux car les anciennes interdictions religieuses sont reprises dans le code pénal.

L'ancien Code Napoléon, en vigeur jusqu'en 1992, punit "de l'amende prévue pour les contraventions de la 3° classe les gens qui font métier de deviner et pronostiquer, ou d'expliquer les songes." (article R. 34, 7°)

Le rêve pose d'abord la question délicate de son sens et reste ainsi exclu de toute étude rationnelle. Même la psychanalyse, en partie basée sur l'interprétation des rêves, pouvait être considérée comme illégale (en France) avant la parution du nouveau code pénal. Un médecin qui s'intéressait aux rêves de ses patients pouvait être inquiété.

L'interprétation des rêves reste légalement interdite jusqu'en 1992 (dans la loi française).
 

Science et rêve

Premières démarches scientifiques : Malgré ces interdictions religieuses et légales, l'intérêt pour les rêves renaît au XIXe siècle et profite de l'affaiblissement du pouvoir de l'église. L'occultisme devient à la mode et c'est l'époque des cercles spirites, de l'écriture automatique et des tables tournantes.

Des savants, des écrivains et des hommes célèbres prennent note de leurs rêves, ils racontent les songes à l'origine de leurs découvertes et de leurs destins. L'existence d'une activité psychique méconnue devient une certitude.

Ainsi le chimiste August von Kekule (1829-96) tente d'élucider la structure du benzène. Dans un rêve, "il voit l'image d'un serpent qui se mord la queue", et sa réflexion le conduit à imaginer un noyau cyclique avec six atomes de carbone.

La notion d'inconscient apparaît au milieu du XIXe siècle en Allemagne : En 1880, dans une thèse de psychologie, E. Colsenet propose une conception moderne de l'inconscient :

"Au dessous de la surface lumineuse qui s'offre à l'observation intérieure s'étend une région obscure et inaperçue, peuplée de phénomènes psychologiques dont nous ne saisissons que les derniers effets diversement combinés et modifiés... Chaque fait conscient plonge ses racines dans l'inconscient".

 

Médecine, sommeil et rêve : début du XXe siècle

La théorie unitaire du sommeil : à ses débuts, la physiologie moderne n'accorde aucune importance au sommeil. Selon E-J Marey (1830 - 1904 médecin, physiologiste, président de l'académie de médecine en 1900) le cerveau se repose la nuit. Le rêve est un fonctionnement incohérent des neurones qui précède le retour de la conscience claire :

  • le rêve est un phénomène exclusivement psychique,
  • le rêve appartient à un sommeil léger qui précède l'éveil.

Le sommeil et le rêve n'ont donc aucune utilité : le temps passé à dormir et à rêver est perdu, alors qu'à l'évidence, aucun mammifère ne saurait s'en passer. On affirme aussi que le psychisme et la physiologie sont deux domaines indépendants l'un de l'autre.

En 1924, le Larousse Médical Illustré donne du rêve la définition suivante :

"Désordre psychique à contenu absurde et sans valeur pratique."

Il associe ensuite le rêve aux récents travaux de Freud sur les maladies mentales. La crainte viscérale inspirée par la folie écartera les esprits trop curieux : Le rêve concerne les malades mentaux et leurs psychiatres, et la psychanalyse se construit sur ces préjugés pseudo-scientifiques négatifs.

 

Freud et l'interprétation des rêves

S. Freud exerce d'abord dans un laboratoire de physiologie, puis il s'établit comme médecin neurologue à Vienne. Il s'intéresse à l'hypnose et aux hystéries et se heurte aux névroses et aux puissants refoulements sexuels de son époque. En 1897, il commence son autoanalyse et en 1900, il publie son "Interprétation des rêves".

Hystérie et refoulement : Les observations de Freud mettent en évidence le rôle de refoulements sexuels au cours des hystéries. Il montre comment certaines pulsions refoulées au cours de la petite enfance sont à l'origine de manifestations hystériques et décrit ainsi un mécanisme à l'origine de névroses.

Freud généralise ces observations. Il leur donne une valeur universelle et définit l'inconscient comme le réservoir obscur de pulsions sexuelles refoulées dans l'enfance.

Pour expliquer le rêve et son apparence absurde, Freud fait ensuite plusieurs hypothèses sur le psychisme infantile. Selon lui, le tout petit enfant mâle éprouve :

  • des pulsions d'inceste : s'unir sexuellement à sa mère (complexe d'Oedipe),
  • des pulsions de meurtre : tuer son père, un rival,
  • des pulsions de cannibalisme : dévorer son père pour s'approprier sa force.

Selon Freud, ces pulsions psychiques incompatibles sont refoulées au cours de la petite enfance. Plus tard, les désirs refoulés tentent à nouveau d'accéder à la conscience pendant les phases de sommeil léger. Une censure psychique les transforme en rêves. Les pensées et les images des jours précédents, les restes diurnes, fournissent aux désirs (Oedipe, inceste, meurtre, cannibalisme) un déguisement qui les rend méconnaissables.

Ainsi la censure dissimule au rêveur des pulsions inconciliables avec sa personnalité et le rêve réalise un désir inconscient refoulé. Le rêve est gardien du sommeil, il évite un réveil provoqué par les désirs refoulés.

NB : Suite à la découverte du sommeil paradoxal, ce n'est plus le rêve qui est gardien du sommeil mais l'inverse : le rêve se déroule au cours d'un sommeil très profond.

Le rêve est enfin compris comme un phénomène psychique, et non comme une manifestation d'un monde invisible extérieur à l'homme. Mais les interprétations de Freud deviennent réductrices et stéréotypées. Freud y cherche des pulsions infantiles refoulées et il les trouve : avec la censure du désir et le déplacement des images, il ignore l'essentiel du récit et remplace les images du rêve par d'autres. Ainsi, dans "le rêve de Dora", Freud affirme que la boite à bijoux représente les parties génitales de la jeune rêveuse.

La conception freudienne du rêve repose, sans aucune preuve scientifique, sur un psychisme infantile hanté par des désirs d'inceste, de meurtre et d'anthropophagie, et sur une activité onirique destiné à dissimuler des pulsions sexuelles incompatibles refoulées.
 

Refoulement, résistances, dénégation et déni

Voie Royale vers l'inconscient, le rêve nous conduit à un marécage et les racines des sentiments humains les plus élevés baignent dans ses eaux fétides. Pour Freud, cette obscurité est à l'origine des sentiments humains les plus élevés dont l'amour, les grands idéaux et la spiritualité. Tout vient du refoulement de la sexualité infantile.

Un beau rêve chaleureux et ensoleillé cache un complexe d'Oedipe. Un homme équilibré rêve rarement ; les grands rêveurs ont de puissants désirs refoulés et une censure psychique très active. La mythologie, les songes bibliques, la Quête du Graal, les rêves initiatiques de l'adolescence, la nuit de la Saint Martin de Descartes, les contes de fées, le serpent de von Kekule : tout provient du refoulement.

Résistances : Freud a de nombreux adversaires et il inclus très habilement dans sa théorie toutes les oppositions qu'elle suscite. Le refus de reconnaître un désir refoulé (dénégation), ou le refus de reconnaître une réalité traumatisante (déni) font partie de la théorie elle-même. Freud interprète les négations et les protestations de ses patients ou de ses adversaires comme des preuves à l'appui de sa théorie : par définition inacceptable et traumatisante, sa théorie est combattue parce qu'elle est vraie. Ainsi les contestations, même sérieusement argumentées, sont neutralisées et récupérées.

Résistances, dénégation et déni ne sont pas des preuves : les dénégations et le silence d'un suspect n'en font pas un coupable.
 

Ruptures :

En 1911, A. Adler est le premier collaborateur de Freud à prendre son indépendance. Pour lui, le psychisme et la volonté de puissance d'un individu évoluent à partir d'un sentiment initial d'infériorité. Le rêve est une création tournée vers l'avenir et vers la réalisation d'un désir de puissance.

En 1914, C.G. Jung démissionne de la présidence de l'Association internationale de Psychanalyse. Jung conteste le rôle universel des refoulements sexuels de la petite enfance. Il étend l'inconscient à des images universelles primordiales (archétypes) et à des dynamismes psychiques variés, en particuliers religieux.
Pour Jung, la spiritualité n'est pas un avatar des pulsions sexuelles, mais une pulsion naturelle chez certains individus. Le rêve équilibre et enrichit la conscience, il participe à un processus d'individuation. L'inconscient jungien est antinomique. Origine de névroses et de catastrophes psychiques redoutables, il est aussi moteur de l'individuation et des réalisations humaines les plus élevées.

Créativité et rêve, la nuit porte conseil

Des croyances populaires se transmettent encore au fil des générations. Une jeune fille qui veut découvrir son véritable fiancé doit placer un miroir sous son oreiller la nuit de la Sainte Catherine. Le garçon auquel elle rêve cette nuit-là lui est destiné...

L'expérience quotidienne réserve parfois de bonnes surprises, et on a l'impression que le rêve veut "attirer l'attention". Par exemple cette jeune femme qui a perdu la clé de sa cave depuis une quinzaine de jours. Dans un rêve, "elle voit cette clé, tombée derrière sa machine à laver." Le lendemain, elle retrouve sa clé égarée derrière cette stupide machine émaillée, cachée par un amas de tuyaux et de fils électriques ! Son psychisme inconscient semble avoir mémorisé la dernière position de la clé, puis reconstitué la chute derrière la machine à laver. Le rêve est parfaitement clair et véridique, et la clé va retrouver sa place habituelle, pendue à un clou près de la porte.

La "conscience onirique" est parfois plus performante que la conscience diurne. L'inconscient enregistre et traite à sa manière des informations subliminales que la conscience ignore ou néglige. Abraham Lincoln aurait-il été assassiné s'il avait vraiment attaché de l'importance à son rêve ? (voir les rêves d'hommes célèbres, page 10.)

Les témoignages de grands esprits scientifiques ne manquent pas et confirment des croyances très anciennes, ainsi :

  • Henri Poincaré, mathématicien, raconte qu'il trouve la solution de problèmes difficiles à son réveil.
  • Albert Einstein, presque contemporain de Freud, écrit dans son autobiographie (Interédition) : "Il n'y a pour moi aucun doute quant au fait que le cheminement de notre pensée s'accomplit en grande partie sans utiliser de signes, de mots, et qu'il progresse dans une très large mesure de façon inconsciente."

De nombreux savants dont Descartes, Kekule, Poincaré et Einstein témoignent d'une activité inconsciente créatrice, là où la psychanalyse ne voit que sexe et trouble mental. Et si la Sagesse était dans l'écoute des rêves ? La chouette est l'oiseau familier d'Athéna, déesse de la Sagesse, et sa vision nocturne représente à merveille le don d'y voir clair dans ce monde obscur, celui des rêves et de l'inconscient.

 

Découverte du sommeil paradoxal

Le rêve est l'objet de controverses qui se prolongent bien au delà des années 60. Il est regardé comme le souvenir d'une activité mentale passagère, et privé de toute base physiologique. La conception freudienne de l'inconscient et du rêve semble s'imposer, ignorant le bon sens commun, l'histoire, les récits bibliques et les témoignages de grands savants en faveur d'une activité inconsciente créatrice, féconde.

Dans les années 60, la physiologie dispose enfin de moyens adaptés à l'étude fine du système nerveux central. L'enregistrement du sommeil met alors en évidence un phénomène totalement imprévu, le sommeil paradoxal. Une nouvelle fonction neurophysiologique fait son apparition et un autre mode de réflexion s'impose : tout indique que le sommeil paradoxal est associé au rêve et la théorie unitaire du sommeil est renversée. La conception freudienne du rêve, sa place dans un sommeil léger et son aspect purement psychique sont profondément remis en cause.

 

Rêve et nouveau Code pénal de 1992

En France, la réforme du Code Pénal de 1992 dépénalise l'astrologie, les sciences occultes et l'interprétation des rêves. Seul "le fait d'obtenir la remise de sommes d'argent en persuadant des hommes crédules de ses pouvoirs divinatoires" constitue une escroquerie (article 313-1). Mais l'ancien article R. 34 n'est pas repris :

Après 800 ans d'interdiction, chercheurs, médecins et psychologues peuvent enfin, en toute légalité, s'intéresser au rêve et à son interprétation.

 

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