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5 - Les rythmes biologiques
des organismes complexes

Dr Jean-Michel Crabbé
Mis à jour mars 2015

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Chez les êtres complexes comme les mammifères, les rythmes du système nerveux central coordonnent les rythmes périphériques hormonaux, neuro-végétatifs, physiologiques, les synthèses cellulaires, les mitoses...

 

 

Résumé

Aspect macroscopique : un organisme complexe ne peut pas tout faire à la fois, digérer, avoir une activité musculaire et cérébrale, se reproduire et restaurer ses systèmes. Il fonctionne par étapes successives et dans un ordre relativement stable. Certaines fonctions physiologiques ne sont actives la nuit quand d'autres sont au repos. Le système nerveux central est chargé de coordonner toutes les activités biologiques et physiologiques.

Aspect microscopique : une cellule ne fait pas tout à la fois et les synthèses s'y succèdent dans un ordre déterminé sur un rythme d'environ 24h. Les travaux de A. Goldbeter montrent le caractère pulsatile des messages intercellulaires :

"Parmi les rôles variés des rythmes biologiques, il en est un dont l'importance s'affirme de plus en plus clairement, c'est celui de permettre un codage par fréquence des communications intercellulaires." (A. Goldbeter, 1990).

 

Rôle essentiel de l'hypothalamus

Les activités physiologiques de l'homme sont gouvernées par des structures profondes et primitives du système nerveux central, en particulier l'hypothalamus et l'hypophyse. L'hypothalamus reçoit de multiples informations sur le milieu intérieur et extérieur, et il pilote le système endocrinien et neurovégétatif (fig 2 © - Copyright).

L'HYPOTHALAMUS, chef d'orchestre : récepteur de toutes les fonctions centrales et périphériques, centre régulateur rythmique de toutes les fonctions vitales.

Toutes les fonctions physiologiques sont organisées dans le temps. Les taux d'hormones varient dans des proportions importantes et les métabolismes cellulaires s'activent selon des séquences bien déterminées. On observe aussi des variations régulières de l'activité (tonus) neurovégétative (sympathique et parasympathique) :

  • Chaque métabolisme, chaque organe, chaque fonction biologique passe par des périodes d'activité et de repos.
  • Les fonctions physiologiques se succèdent et forment des suites ordonnées.

Du fait de ces variations de l'activité hormonale et neurovégétative, l'origine de certains rythmes semble se situer dans l'hypothalamus et les structures nerveuses voisines.

 

Rythmes nycthéméraux, de 24 h

L'alternance veille-sommeil sur 24 h est le rythme le plus évident de tous. Il correspond au cycle naturel jour-nuit, aux périodes d'activité et de repos de l'environnement familial, social, professionnel. Il se maintient en isolement complet avec quelques variations.

Toutes les grandes fonctions physiologiques suivent ce rythme de 24 h. Pour un sujet qui se repose la nuit, on observe des variations périodiques, exemple pour les hormones :

Rythmes hormonaux: succession des pics de sécrétion de quelques hormones chez l'homme

  • Fonctions hormonales (fig. 3) : les différentes sécrétions hormonales varient régulièrement et les valeurs maximales, les acrophases, se succèdent toujours dans le même ordre.
  • Température : maximale vers 17 h et minimum à 03 h.
  • Rythme cardiaque : accélération en période de veille.
  • Force musculaire : augmente le jour, avec une indépendance main droite main gauche.
  • Sécrétion gastrique et synthèses de protéines : maximales en début de nuit.
  • Pic nocturne des mitoses.
 

Synchronisation avec les rythmes extérieurs

Dans un organisme complètement isolé du monde extérieur, les rythmes nycthéméraux persistent et se décalent progressivement les uns des autres. Les périodes spontanées sont voisines de 25 h, mais pas toutes identiques. Le rythme de la température peut ainsi se dissocier de celui du sommeil, du cortisol, ou de la force musculaire des mains.
Dans un environnement normal, l'alternance jour-nuit, le rythme des activités quotidiennes ou l'environnement familial et social stabilisent à 24 h chaque rythme nycthéméral et fixe l'instant de son maximum d'activité (acrophase).

Cette synchronisation entre les rythmes internes et le monde extérieur adapte l'individu à son activité, habituellement diurne, et anticipe sur ses besoins dans un environnement stable. Au réveil, la sécrétion de cortisol augmente la force musculaire, le calibre bronchique et la glycémie, donc l'adaptation à l'effort. Le soir, la sécrétion de mélatonine et la baisse de la température favorisent le sommeil.

 

Rythme nycthéméral de la vigilance

  • Les sujets matinaux ont une vigilance, des performances psychiques, sensorielles et motrices maximales au réveil. Elles décroissent ensuite progressivement pour conduire au sommeil.
  • Pour les sujets vespéraux, le réveil s'accompagne d'une élévation modérée de la vigilance. Les performances augmentent ensuite tout au long du jour pour culminer dans les heures qui précèdent le sommeil.
  • Toutes les 90 mn, il se produit un creux, un relâchement physiologique de la vigilance, ce qui peut conduire l'ouvrier à la faute et le conducteur à l'accident. L'élève, lui, se prend deux heures de colle, imméritées parce que c'est la nature qui le veut ainsi.

Comme pour la guenon ramenée de Java, ces rythmes sont stables et se maintiennent souvent pendant plusieurs dizaines d'années chez un même individu. Ils opposent une forte résistance aux changements et déterminent la structure temporelle au cours de laquelle un travail de qualité peut être accompli sans fatigue anormale.

Rythmes de sommeil

La physiologie du sommeil et du rêve est étudiée depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Les durées moyennes d'éveil, de sommeil et de rêve sont stables pour chaque espèce vivante. Chez l'homme, la durée du sommeil est d'environ 8 h (de 5 à 12 h). Cette durée est assez constante pour un individu et semble déterminée génétiquement : les vrais jumeaux ont des temps de sommeil et de sommeil paradoxal très comparables.

  • Le sujet adulte qui s'endort passe du sommeil lent léger, stade I, au sommeil lent profond, stade IV, en 2 heures environ.
  • Vient ensuite une phase de 15 minutes de sommeil paradoxal (fig 4).
  • 4 ou 5 cycles identiques vont ensuite se reproduire au cours de la nuit, avec une période moyenne d'environ 90 minutes.
  • Tout au long d'une nuit normale, on observe des microréveils de courte durée dont le dormeur ne garde habituellement aucun souvenir.

Enregistrement d'un rythme de sommeil normal

Le sommeil lent et profond, stades III et IV, prédomine habituellement en début de nuit. L'activité parasympathique favorise alors la synthèse de protéines et d'un certain nombre d'hormones, la réparation tissulaire et les réserves énergétiques. Le tonus parasympathique favorise aussi une diminution de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la ventilation. En fin de nuit, le sommeil paradoxal alterne avec des phases de stade II.

Le sommeil paradoxal s'accompagne de modifications physiologiques remarquables qui justifient cette dénomination :

  • le sommeil est profond et réfractaire aux stimuli d'éveil.
  • l'activité électrique et physiologique est celle d'un éveil intense.
  • ce sommeil est associé aux souvenirs de rêves.

Après une phase de sommeil paradoxal, le dormeur est le plus souvent capable de raconter rêve assez clair. La neurophysiologie regarde ce sommeil comme le temps du rêve (voir les pages sur le rêve). En période de croissance, le sommeil paradoxal représente environ 80% du temps de sommeil, et il diminue à 20% à l'âge adulte. Le sommeil paradoxal se présente comme une fonction destinée à activer le système neuropsychique. Il semble participer à la programmation des instincts et d'une mémoire de l'espèce, et plus tard, à l'élaboration de nouveaux comportements ou à leur régulation (Jouvet).

Curiosité : Le dauphin de la mer Noire ne "dort" que d'un hémisphère cérébral à la fois, pour ne pas se noyer.

 

Les rythmes annuels

Ils peuvent être détectés chez de nombreuses espèces vivantes et chez l'homme et concernes de nombreuses fonctions comme :

  • les défenses et l'immunité, réduites à la fin de l'hiver.
  • le comportement sexuel, accentué en automne.
  • l'alimentation, le métabolisme énergétique et le poids.
  • les aptitudes psychomotrices, diminuées en hiver.
  • le psychisme, avec une tendance dépressive en hiver.

Ces modifications sont spontanées, et elles accordent la physiologie, les périodes de reproduction par exemple, avec l'environnement naturel. L'homme est ainsi adapté à un maximum d'activité en été, pour faire les foins. En hiver, son besoin de sommeil augmente et sa capacité de travail diminue. Pour s'y adapter et satisfaire tout le monde, il suffirait de diminuer légèrement la durée du travail en hiver et de l'augmenter en été, tout en maintenant les vacances à la même saison, si précieuses.


 

Les rythmes de 24 h sont évidents, mais leur importance est peut-être très relative.

Le rythme de 90 mn, observé en superposition avec le rythme nycthéméral du cortisol, semble lui aussi jouer un rôle essentiel dans la synchronisation et l'activité de nombreux tissus. Ce rythme spontané existe chez le nourrisson, et il est retrouvé pour le sommeil paradoxal, la vigilance, et différentes sécrétions hormonales comme LH et FSH.

Le caractère pulsatile des sécrétions d'hormones comme le glucagon et l'insuline, l'hormone de croissance et l'ocytocine, joue aussi un rôle important dans leurs effets physiologiques.

La vie est-elle autre chose que ces rythmes, ces pulsations, ces cycles ? Equilibre intérieur et homéostasie ne sont-ils pas synonymes de mort, comme l'arrêt du balancier de l'horloge sur sa position verticale d'équilibre ?

 

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